Le Poison

Texte inspiré d’un poème de Baudelaire. Écrit en 2010.

Je tremble. Je ne sais pas pourquoi, peut-être le froid ? Mais je n’ai jamais froid. Alors pourquoi ?

J’essai de me calmer, de me détendre. Mais lorsqu’un peu de calme vient en moi, tout se remet à bouger, trembler. Je vide la bouteille de vin dans mon verre. Je n’ai plus le courage de le déguster, je l’avale, d’un trait. J’inspire et expire pour me délecter de cette odeur si délicieuse de vin. C’est peut-être son parfum ? Ce parfum de bonheur, de bien être ? Peut-être…

Plus de vin ? Je me lève, toujours tremblante me retenant sur les meubles et vais me rechercher une bouteille. Je porte une cigarette à ma bouche, l’allume mécaniquement. Je me calme un peu en prenant la première bouffée. Mais il est toujours là, et je continu à trembler. Je le vois, il me regarde. Il sourit, mais je ne sais pas s’il se moque. Se moque-t-il ? Ou est-ce un sourire pour que je garde espoir ?

A cause de lui, j’ai tout, mais j’ai aussi tout perdu. J’ai oublié comment être. Mais j’ai appris à aimer, à être curieuse. Appris à me dépasser, pour lui, pour cette personne qui me regarde là.

Mes pieds commencent à trembler. Je le fixe, je sens ces larmes, ces premières larmes depuis un an. Une longue année… Dans un cris de colère, je lui lance un verre. Mais il le traverse et se brise contre le mur. Je regarde les morceaux de verres dans une étrange grimace. Est-il seulement vrai ? Suis-je devenue folle ? Étais-je déjà folle avant lui ?

Je le fixe dans les yeux, tirant de temps en temps une grosse bouffée de tabac. J’ai toujours aimé les yeux verts, mais les siens. Ce vert, ses yeux. Il n’est pas très beau, mais ses yeux. Ils m’envoutent, comme l’odeur de ce vin. Mais je sais que comme ce vin, ses yeux ne sont qu’un doux poison.

Qui me fait lentement sombrer. J’ai perdu. Tous mes amis que j’avais lorsque j’étais folle amoureuse de Léon. Je le fixais encore, il me semble que je ne tremble plus. Ma cigarette est terminée. Déjà. J’en rallume une autre.

Je le fixe toujours, et il me regarde comme pour me transperser. Comme un jeu. Ce sourire aux lèvres, je ferai tout pour que ces lèvres soient contre les miennes…
Il s’approche, lentement, ne me quittant pas des yeux. Et il me murmure à l’oreille : Je t’aime, ma fragile. M’autoriseras-tu à poser mes lèvres contre les tiennes ?
Chaque mot, chaque son. Rêve. Magnifique songe.

Le vin sait revêtir le plus sordide bouge
D’un luxe miraculeux,
Et fait surgir plus d’un portique fabuleux
Dans l’or de sa vapeur rouge,
Comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux.

L’opium agrandit ce qui n’a pas de bornes,
Allonge l’illimité,
Approfondit le temps, creuse la volupté,
Et de plaisirs noirs et mornes
Remplit l’âme au delà de sa capacité.

Tout cela ne vaut pas le poison qui découle
De tes yeux, de tes yeux verts,
Lacs où mon âme tremble et se voit à l’envers…
Mes songes viennent en foule
Pour se désaltérer à ces gouffres amers.

Tout cela ne vaut pas le terrible prodige
De ta salive qui mord,
Qui plonge dans l’oubli mon âme sans remord,
Et, charriant le vertige,
La roule défaillante aux rives de la mort !

Le Poison, Baudelaire.

Laisser un commentaire